Academia.eduAcademia.edu
Sous la direction de Philippe Bet Coutelas miniature Bribes d’un quotidien et Bertrand Dousteyssier 144 112 Haute couture Aurélie Ducreux 146 114 De la guerre à la chasse Matthieu Poux 116 “Si tu donnes…” Matthieu Demierre, Matthieu Poux 118 Caligæ romaines Marion Dacko, Aurélie Ducreux Matthieu Poux 120 124 126 128 Des tuiles en plomb dans une villa Aurélie Ducreux, Sophie Liegard Un ensemble de vaisselle en bronze Aurélie Ducreux Fausse argenterie Aurélie Ducreux La coriandre (Coriandrum sativum), un condiment d’importation en région Auvergne ? Manon Cabanis, Philippe Marinval Les pains romains en grande Limagne, bilan des découvertes Manon Cabanis, Philippe Marinval Croyances eclats arvernes Un volcan, un dieu Bertrand Dousteyssier 150 Petit temple pour grandes croyances Jérôme Besson 152 Un exceptionnel sanctuaire domestique Bertrand Dousteyssier 154 158 Fragments archéologiques L’autel du “Carré Jaude 2” Guy Alfonso, Bernard Clémençon, Bernard Rémy (Ier-Ve Le plomb inscrit du sanctuaire de Rajat à Murol Pierre-Yves Lambert siècle apr. J.-C.) 160 Les tablettes magiques de Corent Bernard Clémençon, Matthieu Poux 162 Que s’est-il passé à la source de Maponos ? Pierre-Yves Lambert 164 130 Histoires d’eau Aurélie Ducreux 132 Un possible pied de meuble en bois tourné ! François Blondel 134 Nécessaire de toilette Aurélie Ducreux 136 Peigne en bois estampillé Guy Alfonso, Pierre-François Mille Bouilloires grafitées et mutilées en contexte cultuel Jérôme Trescarte 138 Les pyxides découvertes aux Martres-de-Veyre François Blondel Terrine de Lezoux. Que faisait Rosmerta dans cette nécropole ? Pierre-Yves Lambert 170 140 Un rare exemple de verrerie découvert dans une sépulture en Auvergne : la bouteille de Bègues (Allier) Cédric Gérardin Une grenouille dans un pot Maxence Segard 172 Un dieu qui impose le silence Philippe Bet, Bertrand Dousteyssier 174 À Mithra : un ex-voto céramique de Lezoux à Angers (Maine-et-Loire) Maxime Mortreau 176 142 Un vase en black-shales dans un puits arverne Sophie Liegard Les grafiti à Totates du bourg routier antique de Beauclair (Puy-de-Dôme) Bernard Clémençon, Pierre M. Ganne Presses universitaires BLAISE PASCAL 166 168 Table des matières La marque de Rome Le pied colossal en bronze de Clermont-Ferrand Guy Alfonso, Maria-Pia Darblade-Audoin, Benoit Mille 30 César en médaillon Matthieu Poux 32 Prince et potiers Philippe Bet 34 Deux portraits impériaux réhabilités Sophie Descamps-Lequime 36 Figures arvernes Un soldat de la cohorte lyonnaise inhumé à Vichy Aurélien Blanc 40 Un marbrier arverne à l’époque romaine Aurélien Blanc, Pierre Boivin, Didier Miallier 42 Sanuillus, une enquête sur plus d’un siècle Pierre Pouenat 44 Conirmation de l’existence de l’épitaphe de Sidoine Apollinaire Patrice Montzamir 46 La parole est aux Arvernes 50 Redonner des voies à des bornes muettes. Bornes milliaires anépigraphes de la cité des Arvernes Marion Dacko, Bertrand Dousteyssier 52 Signalisation routière Marion Dacko 54 56 58 Les boîtes à sceau de Lezoux : des témoins de l’activité commerciale au Ier siècle Philippe Bet Le plat de Lezoux : testament, lettre ou règle de conduite ? Pierre-Yves Lambert Une urne inscrite redécouverte en conservation Aurélien Blanc 62 Une tuile inscrite redécouverte en conservation Laurent Lamoine 64 Une inscription romaine dans une terrasse auvergnate Aurélien Blanc 66 68 72 74 Une inscription inédite du département du Cantal Aurélien Blanc, Bertrand Dousteyssier, Laurent Lamoine, Franck Vautier Correspondances romaines Aurélie Ducreux Histoire d’argile Des millions de vases ratés et seulement quelques moutons Philippe Bet D’une industrie de prestige à l’autre : la Serve d’Ervier Marie-José Henry Éléments architecturaux à engobe blanc de Lezoux Pierre Pouenat 76 Des poinçons-matrice bien authentiques Philippe Bet 80 Fruits artiiciels et œufs factices Philippe Bet Une monnaie en terre cuite de VERCA, une pièce sans valeur ou un objet inestimable Philippe Bet Un vase à reliefs d’applique fabriqué en territoire arverne : le Déchelette 74 Damien Tourgon Sous le signe du lion Julie Charmoillaux De Lezoux à Trèves, la métallescente, exemple d’une vraie réussite Philippe Bet, Daniel Gras Des cruches tombées au fond du puits. L’Antiquité tardive à Lezoux Sandra Chabert Un vase culinaire rhénan du IVe s. apr. J.-C. trouvé aux portes de la capitale arverne Alain Wittmann Les derniers Drag. 37 de l’Empire romain ont été fabriqués à Lezoux Philippe Bet, Bertrand Dousteyssier Palmettes et rouelles : un plat en dérivée de sigillée paléochrétienne à Romagnat Sandra Chabert Une forme inédite de sigillée à Lezoux : la 277e Delphine Beranger Des lions dans la cité arverne Philippe Bet Antéixes et éléments de toiture d’exception Philippe Bet 78 84 86 88 90 94 98 100 102 104 106 108 Bribes d’un quotidien 112 114 116 118 120 124 126 128 130 132 134 136 138 140 142 Haute couture Aurélie Ducreux De la guerre à la chasse Matthieu Poux “Si tu donnes…” Matthieu Demierre, Matthieu Poux Caligæ romaines Marion Dacko, Aurélie Ducreux Un ensemble de vaisselle en bronze Aurélie Ducreux Fausse argenterie Aurélie Ducreux La coriandre (Coriandrum sativum), un condiment d’importation en région Auvergne ? Manon Cabanis, Philippe Marinval Les pains romains en grande Limagne, bilan des découvertes Manon Cabanis, Philippe Marinval Histoires d’eau Aurélie Ducreux Un possible pied de meuble en bois tourné ! François Blondel Nécessaire de toilette Aurélie Ducreux Peigne en bois estampillé Guy Alfonso, Pierre-François Mille Les pyxides découvertes aux Martres-de-Veyre François Blondel Un rare exemple de verrerie découvert dans une sépulture en Auvergne : la bouteille de Bègues (Allier) Cédric Gérardin Un vase en black-shales dans un puits arverne Sophie Liegard Coutelas miniature Matthieu Poux 144 Des tuiles en plomb dans une villa Aurélie Ducreux, Sophie Liegard 146 Croyances Un volcan, un dieu Bertrand Dousteyssier Petit temple pour grandes croyances Jérôme Besson Un exceptionnel sanctuaire domestique Bertrand Dousteyssier L’autel du “Carré Jaude 2” Guy Alfonso, Bernard Clémençon, Bernard Rémy Le plomb inscrit du sanctuaire de Rajat à Murol Pierre-Yves Lambert Les tablettes magiques de Corent Bernard Clémençon, Matthieu Poux Que s’est-il passé à la source de Maponos ? Pierre-Yves Lambert Les grafiti à Totates du bourg routier antique de Beauclair (Puy-de-Dôme) Bernard Clémençon, Pierre M. Ganne Bouilloires grafitées et mutilées en contexte cultuel Jérôme Trescarte Terrine de Lezoux. Que faisait Rosmerta dans cette nécropole ? Pierre-Yves Lambert Une grenouille dans un pot Maxence Segard Un dieu qui impose le silence Philippe Bet, Bertrand Dousteyssier À Mithra : un ex-voto céramique de Lezoux à Angers (Maine-et-Loire) Maxime Mortreau 150 152 154 158 160 162 164 166 168 170 172 174 176 178 180 182 184 Maillet au pied Bertrand Dousteyssier Une statue de dieu gaulois découverte place Grégoire-de-Tours à Brioude (Haute-Loire) Fabrice Gauthier Superstition ou convivialité Philippe Bet “Le bronze le plus précieux” du musée de Saint-Germain-en-Laye a été découvert à Lezoux ! Bribes de sites 188 190 192 194 198 200 202 204 206 Brut de destruction Élise Nectoux, Bertrand Dousteyssier Arvern’art Représentations phalliques sur la céramique arverne Alain Wittmann Loulous chez les Arvernes Jean-Claude Béal Le dauphin-fontaine de Prondines Antoine Hermary Entre établissement rural et lieu de culte : une statue de cavalier à l’anguipède à Riom Maxence Segard Éléments de statuaire en trachyte du puy Cliersou ou de l’Aumône / Petit-Suchet Pierre Boivin, Sophie Liegard Un ovni signalé aux Martres-d’Artière, ou intermède tragi-comique René Murat Décors peints d’époque romaine sur le site de Trémonteix à Clermont-Ferrand Julien Boislève Pierre d’ancrage de pressoir (La Roche-Noire) Anne Curvale Un poète grec chez les Arvernes : portrait de Ménandre Emmanuelle Rosso Un bâtiment vinicole découvert dans la villa antique de Champ Chalatras aux Martres-d’Artière (Puy-de-Dôme) Pierre Vallat L’enclos de la Montagne de la Vèze (commune de Pailherols, Cantal) Frédéric Surmely Des blés sacrés et des sacrés déblais, le site de Blanède (Le Broc, Puy-de-Dôme) Bertrand Dousteyssier Fin de carrière pour une ville ? Philippe Bet, Bertrand Dousteyssier Un site de production remarquable à Lezoux : Le Teix / Les Fromentaux Alain Ferdière Voie romaine à Malintrat (Puy-de-Dôme) Daniel Parent Un opus sectile du “pauvre” à Vertaizon ? Laurence Lautier, Daniel Parent 212 214 216 218 220 222 226 230 Travail d’orfèvre ou de forçat Un outil de potier destiné à la décoration des vases : la molette de Gondole Alain Wittmann 234 Image de marque Aurélie Ducreux 236 Ça balance pas mal… Aurélie Ducreux Tas de fer Aurélie Ducreux L’outillage en fer d’une villa gallo-romaine arverne Sophie Liegard 238 240 242 244 Une houe en bois de cerf Sébastien Gaime, Pierre Pouenat 246 Charpenterie des mines gallo-romaines du ilon Saint-Denis (district minier de Pontgibaud, Puy-de-Dôme) Christophe Marconnet 248 250 Une carrière antique de grande envergure dans le cratère d’un volcan Didier Miallier, Pierre Boivin, Nicolas Cluzel, Bertrand Dousteyssier Tuyaux et génie hydraulique Philippe Bet Attentions pour l’au-delà 254 256 258 260 Un cercueil en sapin de l’époque gallo-romaine parfaitement conservé découvert aux Martres-de-Veyre (Puy-de-Dôme) François Blondel Dernières attentions Kristell Chuniaud Sept igurines pour l’au-delà Bertrand Dousteyssier Inhumer des chiens avec des humains ? L’exemple du Pâtural, au Ier siècle de notre ère Sylvain Foucras 264 Les vases ossuaires et leurs couvercles percés Frédérique Blaizot, Alain Wittmann 268 270 Mystères arvernes Le “menhir” de la Pierre Piquée à Aubière (Puy-de-Dôme) Frédéric Surmely 274 Les Arvernes face aux vestiges funéraires protohistoriques : un intérêt particulier ? Fabien Delrieu, Bertrand Dousteyssier, Pierre-Yves Milcent 276 La vieille femme de Vichy : fonction énigmatique d’un vase anthropomorphe Sophie Descamps-Lequime 278 Une vie de chien pour la meute de Cébazat Pierre Caillat Un bœuf à queue coupée Pierre Caillat 280 282 Le chant du cygne Bertrand Dousteyssier 262 266 Des pots dans la tombe. Sépulture 153 de la nécropole de la Maison Blanche Sandra Chabert Des vases brisés et usagés dans les sépultures Frédérique Blaizot, Alain Wittmann Les vases miniatures en contexte funéraire Frédérique Blaizot, Alain Wittmann Clin d’œil La tête gauloise de Clermont Bernard Clémençon 286 Céramique plombifère antique et culture archéologique Philippe Bet 288 Musée imaginaire 293 LA MARQUE DE ROME César en médaillon Matthieu Poux Bibliographie Poux Matthieu (dir.) (2012), Corent, voyage au cœur d’une ville gauloise, Paris, Errance (2e éd.) 32 La pièce ci-contre est un denier en argent frappé à l’eigie de l’empereur Vespasien, qui a régné entre 69 et 79 de notre ère. Son portrait à l’avers et la titulature inscrite sur ses deux faces permettent de la dater plus précisément des années 70-74. Au revers igure un caducée porté par deux ailes et entouré de deux serpents entrelacés. La monnaie a été sertie dans un médaillon de facture sommaire, formé d’une bandelette d’argent enroulée et maintenue par un tenon de même métal, bouleté à l’une de ses extrémités. L’autre extrémité est brisée, de sorte qu’il n’est pas possible d’établir s’il était suspendu ou porté à la manière d’une broche (ibule). Ce portrait monté en médaillon peut être interprété comme un témoignage du culte rendu aux empereurs après leur mort et leur “apothéose”. L’usure de la pièce indique qu’il a été déposé après la mort de Vespasien plutôt que de son vivant, vers la in du Ier siècle ou au début du IIe siècle. En territoire arverne comme dans les autres cités de Gaule, le culte impérial a connu un essor fulgurant durant le Haut-Empire. Introduit sous le règne d’Auguste, il s’exerçait principalement dans les centres urbains. Un temple monumental consacré à Rome et à Auguste s’élevait sur le forum d’Augustonemetum, place de la Victoire à ClermontFerrand. Le pied d’une statue d’empereur en bronze de taille colossale, découvert sur le site de la gare routière, est lui aussi daté par comparaison stylistique de la in du Ier siècle ou du début du IIe siècle. Cette ofrande est beaucoup plus modeste et s’inscrit dans un tout autre contexte. En efet, elle a été retrouvée en 2008 sur le puy de Corent, siège d’une ancienne ville gauloise identiiée à la capitale des Arvernes indépendants, abandonnée peu après la guerre des Gaules. Seul son sanctuaire a été maintenu en l’état et même, reconstruit à plusieurs reprises entre le début du Ier siècle et le IIIe siècle. Il est associé à un petit théâtre de type gallo-romain et à d’autres édiices construits et fréquentés au cours de la même période. Repérés uniquement par le biais des prospections aériennes ou géophysiques, leurs vestiges s’étendent sur une surface importante, supérieure à 3 hectares. Ils appartiennent à un complexe religieux dont l’importance a longtemps été sous-estimée. On sait aujourd’hui que les théâtres construits sur les sanctuaires, à distance des grandes agglomérations, ont précisément servi de cadre aux cérémonies régulièrement organisées par les notables de la cité en l’honneur de l’empereur. Ce bijou a été retrouvé dans l’enceinte d’un petit enclos maçonné, dont le plan n’a été reconnu que partiellement, mais dont la vocation cultuelle fait peu de doute au vu des autres mobiliers retrouvés (antéixe et statuette en terre cuite, ibules intactes). Il est également possible que la pièce montée en médaillon ait été choisie pour le motif igurant à son revers. En efet, le caducée ailé est l’emblème de Mercure, divinité tutélaire des Arvernes honorée par de nombreuses inscriptions et dans le grand temple qui lui était dédié sur le puy de Dôme. Or de nombreux indices désignent la divinité gauloise vénérée à Corent avant la conquête romaine comme l’ancêtre de ce Mercure local, appelé Mercurius Dumias ou Arvernus. Le fait que le site ait été désigné, jusqu’au XIe siècle, par le toponyme Mons Arvernicus (mont Arverne) appuie cette hypothèse. Son sanctuaire et son théâtre ont vraisemblablement servi de cadre, durant l’époque romaine, à des cérémonies commémoratives célébrant l’alliance des dieux indigènes et de la puissance impériale. Par le port et le don d’un médaillon associant Vespasien au caducée, un idèle a pu manifester à cette occasion son attachement à l’empereur, autant qu’au dieu tutélaire des Arvernes. Ce geste de dévotion populaire s’adresse, paradoxalement, à un empereur qui n’a jamais attaché une grande importance à la religion et à l’immortalité de l’âme. Envahi par la maladie dans les dernières années de sa vie, il aurait déclaré : “Malheur, voilà que je me transforme en dieu !” (Suétone, Vie des douze Césars, Vespasien, 23). Denier de Vespasien serti en médaillon (argent) 33 B RIB ES D' UN QUOTIDIEN De la guerre à la chasse Matthieu Poux Ce lot d’armes en fer a été découvert à la in des années 1960 à l’angle des rues Niel et de la Liève, dans une tombe à incinération associée à une petite nécropole implantée au nord-ouest d’Augustonemetum. Exposé depuis au musée Bargoin de Clermont-Ferrand, il n’avait pas attiré l’attention jusqu’à sa “redécouverte” fortuite au début des années 2000. Hormis un plat en céramique (malheureusement disparu), la sépulture recelait huit pointes en fer parfaitement conservées, appartenant à diférentes catégories d’armement. La première correspond à une arme de poing de type poignard ou épée courte, composée d’une soie pour l’emmanchement et d’une lame à bords droits et pointe triangulaire, ornée sur ses deux faces de trois cannelures. La tombe comprenait aussi un fer de lance ou de javelot de forme foliacée, prolongé par une douille circulaire. Le lot est complété par une série d’armes de jet caractérisées par une douille et une pointe eilée de section carrée, de longueur décroissante (de 13 à 7 cm pour la plus courte). La forme atypique du poignard et l’interruption de son décor prouvent qu’il a été recoupé et retaillé à partir d’une arme plus longue, de type gladius (l’épée courte utilisée par les légionnaires pour le combat au corps à corps) ou spatha (l’épée longue utilisée par les corps de cavalerie auxiliaire pour le combat à cheval). Il a sans doute connu un changement d’usage, puisque les autres pointes retrouvées dans la tombe ne correspondent pas à l’équipement standard des soldats du Haut-Empire. Il s’agit plus probablement d’armes de chasse : javelot, épieux et lèches, particulièrement adaptés à la chasse du gros et du petit gibier, sont complétés par un coutelas servant à achever l’animal blessé. Des pointes à douille de module et de facture identique garnissaient une tombe de chasseur fouillée à Narbonne, tandis qu’un fer similaire découvert à Montagnac dans l’Hérault est interprété comme un trait d’arbalète, arme réservée à l’époque romaine à 114 la pratique de la chasse. Son utilisation à des ins cinétiques est documentée par deux bas-reliefs précisément découverts non loin de ClermontFerrand, à Solignac-sur-Loire et à Saint-Marcel chez les Vellaves. Le célèbre testament du Lingon, attaché à un monument funéraire construit par un notable près de Langres, énumère toute une panoplie dont la composition correspond à cet ensemble : “Je veux que tout mon attirail pour chasser et prendre les oiseaux soit brûlé avec moi, avec mes épieux, mes glaives, mes coutelas […].” Les tombes de soldats sont exceptionnelles en Gaule romaine et présentent rarement la même composition. En Auvergne, on peut citer comme exemple la sépulture d’oicier de Chassenard dans l’Allier. Outre une panoplie d’équipement militaire, elle a livré une pointe de lèche considérée comme une arme de chasse plutôt que de guerre. Ces armes ont pu appartenir dans un premier temps à l’équipement de soldats, qui, devenus vétérans, les ont reconverties pour une nouvelle utilisation dans la vie civile. Le testament du Lingon nous apprend que la pratique de la chasse, avec ses règles et son armement particulier, était l’apanage des élites en Gaule romaine. Il est rare qu’elle soit mise en évidence par l’archéologie et, de ce point de vue, l’ensemble funéraire de la rue Niel peut être considéré comme tout à fait exceptionnel. Bibliographie Poux Matthieu, Feugère Michel et Demierre Matthieu (2008), “Autour de Gergovie. Découvertes anciennes et récentes”, in Sur les traces de César. Militaria tardo-républicains en contexte gaulois (Actes de la table ronde de Bibracte, 17 octobre 2002), Matthieu Poux (dir.), Glux-en-Glenne, Centre archéologique européen, p. 203-224 De haut en bas : ensemble d’armes de chasse (coutelas, fer de lance, épieux et armatures de lèches) retrouvé dans une tombe à incinération de la rue Niel à Clermont-Ferrand ; scène de chasse sur un bas-relief de la villa de Saint-Marcel (Haute-Loire) 115 B RIB ES D' UN QUOTIDIEN “Si tu donnes…” Matthieu Demierre, Matthieu Poux Cette bague en bronze, formée d’un simple anneau surmonté d’un chaton lisse, a été découverte en 2002 dans les niveaux de fréquentation de la cour du sanctuaire gallo-romain de Corent, datés du IIe siècle de notre ère. Son faible diamètre (1,45 cm) laisse supposer qu’elle appartenait à une femme ou à un adolescent. Son plateau comporte une inscription latine, gravée sur deux lignes en lettres cursives bien lisibles : SI DAS / DABO, qui signiient littéralement “Si tu donnes / je donnerai”. Le bijou aiche une promesse qui pourrait être rapprochée, eu égard à son contexte, de la formule religieuse do ut des (“Je donne ain que tu donnes”), adressées aux divinités dans le cadre des rites d’ofrande et d’ex-voto. Il peut être rapproché d’une série d’anneaux inscrits répertoriés principalement dans la région rhénane, dont il constitue l’un des exemplaires les plus méridionaux connus à ce jour. Une cinquantaine de bagues similaires ont été retrouvées empaquetées dans un sol des canabæ du camp de légionnaires de Bonn (D). Produites localement au début du IIIe siècle, elles étaient probablement destinées à la vente aux occupants modestes de cette zone périphérique du camp militaire. Elles comportent pour la plupart des inscriptions analogues, interprétées comme des formules amoureuses : SI DAS / DO (“Si tu donnes / je donne”), DA VITA(m) (“Donne la vie”), TE AMO (“Je t’aime”) ou DULCIS (“À ma douce”). Comme ces dernières, la bague de Corent correspond vraisemblablement à un cadeau entre amants, ofert en guise d’ofrande à une divinité ou perdu sur le sol du sanctuaire. Mais la formule est ambiguë et pourrait également correspondre à du racolage : “Si tu (me) donnes (de l’argent), je (te) donnerai (mon corps).” Cette supposition s’accorde bien avec le fait qu’elle ait probablement été portée par une femme. 116 Le contexte de découverte des exemplaires de Bonn va également dans ce sens : situées à l’extérieur du camp, les canabæ hébergeaient une population civile qui vivait principalement de ses échanges avec l’armée. Or les contacts entre soldats et prostituées y étaient particulièrement fréquents. Une scène de l’Asinaire de Plaute (IV, 1) illustre cette hypothèse, qui décrit deux hommes établir un contrat pour la “location” d’une prostituée pendant une année. Entre autres formalités visant à protéger le locataire et à lui garantir l’entière et exclusive propriété de la jeune ille, une clause du contrat stipule qu’elle ne devra “ni montrer sa bague ni demander à voir celle des autres” (Spectandum ne quoi anulum det, nec roget). La bague est clairement assimilée à un instrument de racolage ou, du moins, de séduction. Il est possible qu’elle ait pu servir concrètement aux prostituées pour interpeller les passants. On peut imaginer que cette bague a appartenu à une femme originaire des provinces de l’Est, venue exercer son art en territoire arverne, ou qu’elle correspond à un souvenir de campagne rapporté par un soldat au retour de son cantonnement sur le limes rhénan. Il s’agit, dans les deux cas de igure, d’un bijou porté par des individus de faible statut social. Bibliographie Poux Matthieu (2006), “Le sanctuaire arverne de Corent”, in Religion et société en Gaule, Christian Goudineau (dir.), Paris, Errance, p. 117-134 Poux Matthieu (dir.) (2012), Corent, voyage au cœur d’une ville gauloise, Paris, Errance (2e éd. revue et augmentée) Bague inscrite en bronze, découverte dans la cour du sanctuaire gallo-romain de Corent 117 B RIB ES D' UN QUOTIDIEN Coutelas miniature Matthieu Poux Ce couteau à lame en fer, prolongée par un manche en bronze inement ouvragé, mesure à peine 13 cm de long. Il est issu d’une fosse d’épierrement creusée dans l’orchestra du petit théâtre gallo-romain découvert en 2011 sur le plateau de Corent, parmi divers matériaux de construction provenant de la destruction de l’édiice. À l’instar des monnaies, des ibules et des céramiques retrouvées dans le même contexte, principalement datées du IIe siècle de notre ère, cet objet est probablement lié à la fréquentation du théâtre durant les deux premiers siècles du Haut-Empire. Sa forme est très caractéristique. La lame possède un dos légèrement recourbé et un seul tranchant, concave dans la partie avoisinant la poignée, convexe au niveau de la pointe. La poignée, coulée directement sur la soie, présente une garde et un pommeau ornés de plusieurs moulurations. La garde est formée d’une traverse rectiligne en arête formant un tenon, destinée en principe à retenir la main. Le pommeau est prolongé par un anneau de suspension en “col de cygne”, destiné à faciliter son accrochage à l’aide d’un lien ou d’une chaînette. Il s’agit de la version miniaturisée d’une série de coutelas bien documentée sur les marges occidentales du Massif central. Ces grands couteaux à lame ondulée igurent dans de nombreuses sépultures galloromaines du Limousin datées du IIe siècle de notre ère, parfois en association avec d’autres catégories d’armes (épées, fers de lance, poignards). Leur lame légèrement galbée et leur garde proéminente les rapprochent des couteaux de combat de type falcata, originaires de la péninsule ibérique et représentés en Gaule sur l’arc de triomphe d’Orange. De par sa taille réduite, cet objet n’a évidemment pas pu être utilisé en guise d’arme, tout au plus comme couteau, ou plutôt comme canif. Il s’intègre dans une série d’épées miniatures en métal ou en os taillé, imitant soit des glaives à bords droits, soit des coutelas de chasse à lame recourbée. Certains exemplaires sont associés à un fourreau inement ciselé qui n’a pas été retrouvé à Corent. Du point 144 de vue typologique, cet exemplaire correspond à la variante la plus commune, à lame courbe et système de suspension dissymétrique. Portés en pendentif ou à la ceinture, ces coutelas miniatures ont pu être utilisés dans le cadre des activités quotidiennes, mais ont surtout valeur de symbole. La fouille des nécropoles, en particulier à Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire), a révélé qu’ils accompagnent souvent de jeunes enfants ou des bébés. Il est diicile d’établir s’ils leur ont été oferts en guise d’ofrande funéraire ou s’ils les ont véritablement portés de leur vivant, ce qui apparaît le plus probable. Dans les deux cas, ces armes miniatures avaient vraisemblablement pour fonction première de symboliser leur appartenance à une élite exerçant régulièrement l’art de la chasse. En Auvergne, cette pratique est attestée très anciennement par le dépôt d’un poignard et d’un chaudron miniature dans la tombe d’un enfant en bas-âge fouillée sur le site de Gandaillat au sud-est de Clermont-Ferrand et datée du IIe siècle avant notre ère. La présence de cet objet dans l’orchestra du théâtre de Corent laisse donc à supposer qu’il ait été fréquenté par de jeunes enfants, issus des couches moyennes ou supérieures de la société. Bibliographie Lintz Guy et Vuaillat Dominique (1987), “Les poignards et les coutelas dans les sépultures galloromaines du Limousin”, Gallia, no 45, p. 165-188 Poux Matthieu (dir.) (2012), Corent, voyage au cœur d’une ville gauloise, Paris, Errance (2e éd. revue et augmentée) Riquier Sandrine (2008), “L’armement républicain dans les sépultures de Gaule centrale”, in Sur les traces de César. Militaria tardo-républicains en contexte gaulois (Actes de la table ronde de Bibracte, 17 octobre 2002), Matthieu Poux (dir.), Glux-en-Glenne, Centre archéologique européen, p. 181-202 Coutelas découvert au niveau de l’orchestra du théâtre de Corent 145 La parole est aux Arvernes 50 52 54 56 58 62 64 66 68 72 74 Redonner des voies à des bornes muettes. Bornes milliaires anépigraphes de la cité des Arvernes Marion Dacko, Bertrand Dousteyssier Éléments architecturaux à engobe blanc de Lezoux Pierre Pouenat Fruits artiiciels et œufs factices Philippe Bet 60 Des poinçons-matrice bien authentiques Philippe Bet chercheurs en archéologie vous proposent de monnaie terre cuite de faire connaissance avec desUne “éclats” à laenfois débris ouVERCA, Les boîtes à sceau de Lezoux : des témoins une pièce sans valeur joyaux, mais tous de l’activité commerciale au Ierobjets siècle du quotidien ouou und’exception, objet inestimable Philippe Bet Philippe Bet le territoire des pièces d’un puzzle culturel relétant Signalisation routière Marion Dacko Le plat de Lezoux : testament, lettre – une partieUnde vase à reliefs d’applique Arvernes l’Auvergne actuellefabriqué – ou règle de conduite ? arverne : le e Déchelette 74 siècle des premiers sièclesendeterritoire notre ère (Ier-V Pierre-Yves Lambert Damien Tourgon apr. J.-C.). Cet ouvrage rassemble plus de Une urne inscrite redécouverte Sous le signe du lion 300 objets phares,Julie inédits ou insolites de la en conservation Charmoillaux Aurélien Blanc culture romaine provinciale objets De Lezoux à (vaisselle, Trèves, la métallescente, Une tuile inscrite redécouverteet mobilier diversexemple d’une vraieen réussite en céramique, fer, en en conservation Philippe Bet, Daniel Gras bronze, en os…). Mis en lumière par une Laurent Lamoine Des cruches tombées au fond du puits. iconographie exceptionnelle, ces fragments Une inscription romaine L’Antiquité tardive à Lezoux dans une terrasse auvergnate archéologiques invitent à revisiter notre Sandra Chabert Aurélien Blanc perception d’une “culture arverne”,rhénan spéciique Un vase culinaire du IVe s. apr. J.-C. Une inscription inédite du département trouvé de “modèle” la capitale arverne à ce territoire : quelle estaux la portes part du du Cantal Alain Wittmann romain et celle d’un substrat plus autochtone ? Aurélien Blanc, Bertrand Dousteyssier, Les derniers Drag. 37 de l’Empire romain Laurent Lamoine, Franck Vautier Résistance ? Acculturation ? Assimilation ? ont été fabriqués à Lezoux Correspondances romaines Alors qu’assimilation Philippe Bet, Bertrandsont Dousteyssier et intégration au Aurélie Ducreux cœur de débats sociétaux, parfois bonen dérivée Palmettesiletest rouelles : un plat sigilléeetpaléochrétienne de se tourner vers ledepassé de revisiter les à Romagnat Gaules pour voir la richesse desChabert mélanges culturels Histoire d’argile Sandra et la perpétuelle construction d’une “culture” qui, Une forme inédite de sigillée à Lezoux : Des millions de vases ratés et seulement e la 277 que lorsqu’elle est inalement, ne révèle sa cohérence quelques moutons Delphine Beranger Philippe Bet examinée avec beaucoup de recul. Des lions dans la cité arverne D’une industrie de prestige à l’autre : Philippe Bet la Serve d’Ervier Antéixes et éléments de toiture d’exception Philippe Bet Marie-José Henry 35 € Presses ires Universita SCAL BLAISE PA 9 782845 166653 76 78 80 84 86 88 90 94 98 100 102 104 106 108